Rock’n’Roll is here to stay – Episode 1
par Michel Avenas
Comment ouvrir le premier numéro d’une nouvelle chronique pop-rock ? Choix difficile car en 60 ans d’histoire il y en a eu des mouvements musicaux, des hits, des moments de grâce, des albums cultes. Choix personnel donc discutable car en la matière il y en a pour tous les goûts, et Dieu merci chacun peut exercer sa liberté de culte (d’album).
Au risque de donner l’impression de commencer par la fin pour ma première rubrique pop-rock, c’est malheureusement l’actualité qui va guider mon choix, tant il est vrai que ces derniers mois la communauté des artistes pop-rock aura payé un lourd tribut.
Tout récemment Prince nous a quittés à l’âge de 57 ans, Billy Paul (Me and Mrs Jones !) à 82 ans. Quelques semaines auparavant George Martin, le « cinquième Beatle », qui aura produit tous les albums de ce groupe mythique à l’exception de « Let it be », l’homme de la montée chromatique orchestrale qui sublime la chanson « A day in the life » clôturant le cultissime album « Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band », Sir George Martin est parti à l’âge de 90 ans. Il a donc suivi de près David Bowie (69 ans), Glenn Frey (67 ans), guitariste et co-fondateur de Eagles, « Lemmy » (70 ans), ex Hawkwind et leader de Motörhead, Paul Kantner (74 ans), co-fondateur de Jefferson Airplane puis Jefferson Starship, Maurice White (74 ans), fondateur de Earth Wind and Fire. On est donc loin de la malédiction du « club des 27 », regroupant au paradis des musiciens ceux qui sont décédés à 27 ans, (Brian Jones, Alan Wilson, Janis Joplin, Jim Morrison, Jimi Hendrix, Kurt Cobain, plus récemment Amy Winehouse).
“Blackstar” de David Bowie : un album culte dès sa sortie
J’aurai l’occasion dans de prochaines chroniques d’évoquer tous ces artistes, mais pour l’heure attachons nous donc au 26ième et ultime album studio de David Bowie, « Blackstar », de fait déjà culte à bien des égards.
Culte, il l’est bien sûr par la qualité et l’originalité de ses compositions, sept pépites mixant rock, jazz et expérimentations : ambiance inquiétante et mystique pour les chansons phares « Darkstar » ou « Lazarus », un beat quasi hip-hop et des impros freejazz pour « ‘Tis a pity she was a whore », l’apaisement de la ballade « Dollar Days », le caractère aérien sur lit de synthés de la dernière chanson, « I can’t give everything away », avec son feston final de guitare.
Mais là n’est pas l’essentiel ni le plus surprenant, de la part de quelqu’un qui précisément passa sa vie à nous surprendre. Pour David Bowie sans doute plus que pour tout autre artiste, faut-il voir plus loin que sa musique.
Mais avec le recul, l’album précédent, « The Next Day », album très rock sorti lui aussi à la surprise générale après un silence de 10 ans, ne présentait-il pas déjà certaines des noires caractéristiques de « Blackstar » ? Un CD tout aussi noir avec un carré blanc, la symbolique d’un carré blanc qui fait disparaître le visage de l’artiste de la pochette de l’immense « Heroes » paru 36 ans auparavant (et la seule pochette en noir et blanc de sa discographie)… et surtout la première chanson qui donne son titre à l’album, dans laquelle l’artiste hurle « Here I am, not quite dying, my body left to rot in hollow tree, … »
Et maintenant que David Bowie was, que dire de la passionnante exposition « David Bowie is », qui tourne dans le monde entier depuis trois ans ? Inaugurée à Londres au moment de la sortie de « The Next Day », conçue comme le bilan d’une vie elle-même conçue comme une œuvre d’art, ne résonnait-elle pas elle aussi comme la mise en scène d’une fin prochaine ?
Comme le dit son fidèle producteur Tony Visconti, « Son décès ressemble à sa vie : c’est une œuvre d’art ».
Le Major Tom blondinet de « Space Oddity » (1969) est donc reparti dans les étoiles, et a peut-être été rejoint par le grand Prince… sur l’astéroïde B612 du Petit Prince !
“This is Major Tom to Ground Control
I’m stepping through the door
And I’m floating in a most peculiar way
And the stars look very different today”