Road Trip musical, Episode 1 : Chicago et le Blues

par Michel Friedling

© Michel Friedling

Highway 61 : la route de la musique américaine

Qui ne connaît la Route 66 ? Cette route mythique voit chaque année nombre de touristes et de « bikers » la parcourir dans les deux sens entre Chicago et Los Angeles. Elle est un fantastique choix pour découvrir l’Amérique, de préférence en moto pour coller au mythe.

C’est pourtant une autre route américaine moins connue mais tout aussi mythique que j’ai choisi un jour de parcourir : la Highway 61 qui traverse les Etats-Unis du Nord au Sud, celle qui a donné son nom au sixième album de Bob Dylan en 1965 : Highway 61 revisited.

Partant du Wyoming, cette route conduit jusqu’à la Nouvelle-Orléans en passant par Saint-Louis, Nashville et Memphis avant de parcourir tout le delta du Mississipi. C’est incontestablement la route de la musique américaine, de ses racines Jazz, Blues, Soul et Country. Elle est d’ailleurs baptisée la Blues Highway…

« Keith Richards: Under the Influence » : une plongée dans l’univers musical du guitariste des Rolling Stones à l’origine d’un road trip musical initiatique

C’est en regardant le superbe et très inspirant reportage réalisé par « Keith Richards: Under the Influence », plongée dans l’univers musical du guitariste des Rolling Stones disponible sur la chaine Netflix, que cette envie est née. Je mesurai en effet en écoutant Keith Richards la diversité de ses influences musicales et de sa culture, en même temps que la médiocrité de la mienne.

Je suis donc parti un jour de printemps pour Chicago, petite entorse à la Highway 61 qui ne passe pas vraiment à Chicago, avec l’idée de rejoindre la Nouvelle-Orléans en moto, en traversant les Etats-Unis du nord au sud, pour découvrir et tenter de comprendre les diverses influences des maitres de la musique pop-rock et toute la musique américaine contemporaine.

Chicago, ses courants musicaux, ses musiciens les plus emblématiques et ses clubs seront donc l’objet des premiers épisodes de la série consacrée à ce road trip musical.

Chicago : une ville d’art, d’architecture et d’histoire

Le parc Millenium (© Michel Friedling)

Car Chicago, depuis toujours capitale économique et culturelle du Mid-West américain, surnommée Windy City (ville des vents) en raison des vents violents qui s’engouffrent dans ses rues rectilignes après avoir balayé les eaux glacées du Lac Michigan en hiver, est certes la ville de la prohibition, d’Al Capone et d’Elliot Ness, de Tintin en Amérique, celle du Millenium Park, du Chicago Symphony Orchestra, premier opéra construit sur le sol américain, dirigé depuis sa création par les plus grands maitres, aujourd’hui Ricardo Mutti.

La façade du Chicago Symphony Orchestra (© Michel Friedling)

C’est encore la ville qui dispute à New-York le titre de ville des premiers gratte-ciels et que l’on qualifie parfois de « capitale mondiale des gratte-ciel » étant donné son panorama urbain le plus important des États-Unis et parmi les plus importants dans le monde

Les gratte-ciel de Chicago vu de la Willis Tower, plus haute tour des Etats-Unis après le World Trade Center de NYC
© Michel Friedling

Chicago est véritablement la ville d’architecture avec notamment l’héritage de Frank Lloyd Wright, architecte avant-gardiste, génial et rebelle du début du siècle dernier, dont la vie et la passion tumultueuse avec Mamah Borthwick Cheney, militante féministe, sont racontées dans le best-seller « Loving Frank » de Nancy Horan (Le Livre de Poche, 2008).

Le métro aérien de Chicago et la tour Trump (© Michel Friedling)

Le Chicago Blues : le blues du Mississipi électrifié

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Mais Chicago est avant tout une des villes emblématiques du Jazz et du Blues. Car si le delta du Mississipi est incontestablement le berceau du blues, Chicago reste néanmoins la ville où le blues s’est inscrit dans la culture musicale nord-américaine, avec une influence déterminante sur de nombreux artistes rock comme les Yardbirds, les Who, les Rolling Stones, les Beatles, Jimi Hendrix ou Led Zeppelin. Initialement musique noire américaine, l’influence du Chicago Blues a également été déterminante sur la musique folk américaine et sur Bob Dylan en particulier, ou encore sur les jeunes musiciens blancs de l’époque tels qu’Elvis Presley, Jerry Lee Lewis, Carl Perkins et Johnny Cash.

Le Chicago Blues a été popularisé, et d’une certaine façon immortalisé, en 1980 par le film culte « Les Blues Brothers » tourné pour l’essentiel à Chicago, et notamment au sein du pénitentier d’Etat de l’Illinois, à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de Chicago, avec l’apparition à l’écran et en musique, outre John Belushi (le chanteur Jake Blues) et Dan Aykroyd (le joueur d’harmonica Elwood Blues), fondateurs du groupe éponyme en 1976, des plus grands de la soul et du blues du moment : Aretha Franklin, James Brown, Cab Calloway, Ray Charles, John Lee Hooker ou Chaka Khan.

Les frères Jake et Elwood Blues à l’entré du club House of Blues à Chicago (© Michel Friedling)

Le blues de Chicago est une forme de blues urbain né à Chicago et Saint Louis (Missouri) au sud de Chicago dans les années 30, après la grande migration des Noirs Américains venant des Etats du Sud vers les cités industrielles du Nord. Ce sont les musiciens de rue qui donnent naissance à cette musique, notamment dans les allées et les environs du marché en plein air de Maxwell Street. Les meilleurs d’entre eux finissent dans les clubs qui commencent à ouvrir dans les quartiers noirs du South Side et du West Side. Dans les années 30, le plus célèbre d’entre eux est The Gate où tous les maitres de l’époque se produisent.

La liste des grands bluesmen de Chicago est longue. On peut citer parmi les plus connus Muddy Waters, Howlin’ Wolf, Willie Dixon, Earl Hooker, Buddy Guy, Bo Diddley, ou Koko Taylor, surnommée the Queen of the Blues. Mais c’est incontestablement «Muddy Waters», le guitariste et chanteur originaire du Mississippi qui, en 1947, amplifie sa guitare instrument et lance le « Chicago Blues ». Son blues électrique musclé inspire partout aux États-Unis des musiciens tels que Howlin’ Wolf, Bo Diddley et Chuck Berry, tous enregistrés et produits sous le label Chess Records fondé par les frères Leonard et Phil Chess, plus important label de Chicago blues.

Muddy Waters

Bien que dans les années 1960, d’autres villes américaines, telles que Memphis avec Stax et Detroit avec Motown, aient commencé à défier la prééminence du blues de Chicago, de nouveaux artistes de blues comme Otis Rush, Magic Sam, Koko Taylor, Hound Dog Taylor et Son Seals émergent à Chicago et prennent la relève.

Episode 2 (à venir) : Muddy Waters et Howlin’Wolf

“Chicago Blues: aux origines du blues” – Toute L’Histoire : une excellente introduction au Blues