Marvin Gaye un destin tragique

Marvin GAYE : un destin tragique

par Eric Leboucher

Parler de soul music et choisir un artiste parmi tous ceux qui ont compté pour ce genre musical n’est pas chose aisée. Cependant, nous avons choisi de revenir sur la carrière de Marvin Gaye (de son vrai nom Marvin Pentz Gay Jr.) qui, en plus de disparaitre trop tôt, aura eu une vie pour le moins chaotique.

Enfant, c’est le père de Marvin Gaye qui prophétisa sa gloire. Paradoxalement, c’est aussi lui qui participera à sa chute. Dès sa jeunesse, Marvin Gaye chante des gospels au sein de l’église paternelle. Il apprécie ces moments de liberté et les fidèles ne restent pas longtemps insensibles à son talent (et à son charme). Il n’est pas rare qu’à la fin du service, les fidèles viennent plutôt voir Marvin Gaye Jr pour lui témoigner leur sympathie et leur admiration. Quotidiennement battu par son père, Marvin Gaye s’engage dans l’Air Force en 1956 afin d’échapper à cette violence.

Stubborn Kinda Fellow et Pride and Joy : les premiers succès

De retour à Washington en 1957 il se tourne vers la musique. En 1960, à la recherche de nouveaux talents, Berry Gordy (Tamla Motown) décide d’engager Marvin Gaye en tant que batteur de studio et de tournée pour les Miracles (le groupe de Smokey Robinson, autre icône de la Motown) et le jeune Stevie Wonder. Mais le rôle de musicien de studio est bien trop réducteur pour un homme qui aspire avant tout à chanter et à devenir le nouveau Nat King Cole (à qui il voue une admiration sans faille). En 1962, les singles « Stubborn Kinda Fellow », puis « Pride and Joy » lui permettent de goûter au succès commercial, confirmé ensuite par la sortie de plusieurs albums live. Il épouse Anna Gordy (sœur de Berry Gordy) l’année suivante. Ils adoptent un enfant qu’ils prénomment Marvin III en 1965.

Le temps de duos avec Tammi Terrell

Marvin Gaye va ensuite enchaîner une série d’albums de duo avec différentes partenaires telles que Mary Wells, Kim Weston et surtout Tammi Terrell avec qui il va enregistrer plusieurs albums. Motown est consciente du potentiel sentimental de son poulain et la plupart de ses disques se révèleront de véritables succès commerciaux. Ils vont permettre à Marvin Gaye d’asseoir un statut de sex-symbol auprès du grand public. Mais le bonheur n’est pas fait pour Marvin Gaye qui dès 1967 tente de mettre fin à ses jours, accablé par des problèmes récurrents avec sa femme et surtout très affecté par les premiers signes de la maladie qui emportera Tammi Terrell trois ans plus tard. C’est avec elle que Gaye forme une grande amitié et un duo musical mémorable avec la sortie de plusieurs singles à succès (dont « Ain’t no mountain high enough », « Your precious love », etc …), la plupart écrits par Ashford et Simpson. Les deux jeunes artistes sortent ensemble trois albums chez la maison de disques de 1967 à 1969. Suite à la mort de Tammi Terrell mars 1970, Marvin Gaye sombre dans la dépression. C’est aussi à cette époque qu’il décide de ne plus se produire sur scène. Il se plonge dans la cocaïne dont il devient vite très dépendant.

What’s going on : l’album de la souffrance

En 1971, après de longs mois de solitude et de réflexion, il revient avec un nouveau disque, « What’s going on ». Dans la chanson éponyme, Marvin Gaye s’adresse à son père dans certaines paroles comme « Father, father. We don’t need to escalate » (« Père, Père, nous n’avons pas besoin de cette escalade (de violence) ») qui prendra un sens vraiment particulier et morbide le 1er avril 1984.

Entre 1973 et 1980, il reste englué dans la dépression et son extrême dépendance à la cocaïne n’arrange pas les choses. Après deux années terriblement difficiles sur le plan affectif et financier, Marvin Gaye décide de s’exiler en Angleterre. Il en profite pour quitter Motown qui vient de sortir  « In Our Lifetime » (1981) sans sa permission. Déprimé et drogué à outrance, Marvin Gaye s’effondre lentement.

« Midnight Love » : l’album du succès éternel

Ce n’est qu’en 1982 que le vent tourne à nouveau. Motown accepte de vendre le contrat de Marvin Gaye à CBS et l’album « Midnight Love » sort à la fin de l’année. Grâce au morceau intitulé « Sexual Healing », Marvin Gaye retrouve le sommet des charts Soul. L’album se vend bien et il en profite donc pour retourner dans son pays natal. Il obtient même deux Grammy Awards pour ce dernier album. Sa paranoïa est à son apogée à la fin de sa tournée promotionnelle fin 1983, date à laquelle il retourne près de sa mère, dans la maison familiale qu’il avait acheté à ses parents.

Une fin tragique

Au matin du 1er avril 1984 une dispute, comme souvent, éclate entre Marvin Gaye et son père. Ce dernier sort une arme et tire deux balles en direction de son fils, qui le blesseront mortellement. L’ironie veut que l’arme avec laquelle Marvin Gay Senior tire sur son fils est un revolver de calibre 38 qui lui a été offert par Marvin lui-même comme cadeau de Noël quatre mois plus tôt. Lors de son arrestation, ce soir-là, le père clame ses regrets : « Si je pouvais le ramener, je le ferais. J’avais peur de lui. J’ai pensé qu’il allait me faire du mal. Je ne savais pas ce qui allait se passer. Je l’aimais. Je souhaiterais qu’il passe cette porte maintenant. »

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(Courtesy : Motown, CBS, Universal Music)