“UMMAGUMMA” Le chef d’œuvre méconnu de Pink Floyd et “JUST A POKE” de Sweet Smoke : le psychédélisme à redécouvrir

par Michel Avenas

Le showroom de Concert-Home présente un concentré de ce que la technologie fait de mieux en matière de hifi, mais il est frappant de constater que les prestigieux ancêtres du son y ont laissé plus que des traces : ne voit-on pas des pavillons d’une forme digne de celle des premiers Gramophones compléter tant l’esthétique que le design acoustique d’enceintes ultra modernes ? Et clairement, pour les audiophiles exigeants, les transistors, les CD et le numérique n’ont pas tué les lampes, les microsillons ni l’analogique. Gageons cependant qu’on ne reviendra pas au mono ! Si tout le monde estime normal aujourd’hui d’avoir (au moins) autant d’enceintes qu’il a d’oreilles, rappelons-nous que les premiers enregistrements de groupes comme les Beatles ou les Rolling Stones, pour ne prendre que les plus prestigieux de l’époque, étaient en mono. La hifi et la stéréo grand public datent en effet de la deuxième moitié des années 60 et je me souviens que certains disques, avec des effets stéréo très prononcés, faisaient alors le bonheur des premiers magasins-showrooms de hifi qui commençaient à fleurir à l’époque. La musique dite psychédélique se prêtait particulièrement à l’exercice, je pense en particulier à deux albums qui alimenteront donc la présente chronique :

« Ummagumma », le quatrième opus de Pink Floyd, Grand Prix de l’Académie Charles Cros.

Ummaguma comprend deux disques, ce qui n’était pas si courant à l’époque de sa parution fin 1969. Le premier de ces disques a été enregistré en public et réunit des superbes versions étendues et largement improvisées des morceaux planants qui ont largement contribué à la renommée du groupe à ses débuts : « Astronomy Domine » ; « Careful with that axe, Eugene » et son cri primal (que personnellement j’associe toujours aux scènes du film « The Shining » de Stanley Kubrick où précisément l’on voit Jack Nicholson manier la hache) ; le spatial « Set the controls for the heart of the sun » ; « A saucerful of secrets » qui, après une progression un peu chaotique, retrouve l’harmonie apaisée d’une lente suite d’accords à l’orgue.

Le second disque, plus expérimental et hétéroclite, réunit des morceaux composés séparément par chacun des quatre membres du groupe et constitue un patchwork d’ambiances diverses. C’est dans ces compositions que l’on trouve quelques curiosités stéréo très marquées : « Grantchester Meadows », chanson très bucolique de Roger Waters mixant au fond de guitare sèche différents chants d’oiseaux et bruits d’animaux et qui se termine par le bourdonnement d’une mouche volant d’un haut-parleur à l’autre, pourchassée par un type qui tente de l’écraser ; le très bizarre « Several species of small furry animals gathered together in a cave and grooving with a pict » (dont le titre est probablement le plus long de toute l’histoire de la musique !) ; « The Grand Vizier’s garden party », composition du batteur Nick Mason, ensemble de collages sonores de diverses percussions.

Il est difficile d’évoquer la musique de « Ummagumma » sans dire un mot de sa pochette, conçue comme pour quasiment tous les albums du groupe par Storm Thorgerson et sa société Hipgnosis. Ces créations ont largement contribué à définir l’esthétisme du groupe.

Au recto de « Ummagumma » un faux effet d’abîme (faux car d’un niveau à l’autre les musiciens changent de place, la scène ne se reproduit donc pas à l’identique) illustre le fait que la musique de Pink Floyd possède plusieurs niveaux de lecture et de compréhension, et également que le groupe est constitué de quatre individualités venant chacune à son tour au premier plan, allusion au deuxième disque. Pour la petite histoire le disque « Gigi » appuyé contre le mur a été remplacé par un carré blanc sur les exemplaires distribués aux USA, pour des raisons de copyright.

Le verso présente tout le matériel utilisé par le groupe, disposé un peu comme un avion de chasse entouré de son armement. Encore pour la petite histoire, une bonne partie de ce matériel leur sera dérobée lors d’une tournée aux USA en avril-mai 1970. Très impressionnant à l’époque, tout ce matériel tenait dans un seul camion, … quand 25 ans après il fallait 50 camions pour transporter le matériel du même groupe !

Just a poke l’album phare du groupe Sweet Smoke, créé en 1967 aux USA

« Just a poke », enregistré en 1970 en Allemagne, constitue l’essentiel de la production du groupe Sweet Smoke, créé en 1967 aux USA.

Cet album se compose de deux longs morceaux (un sur chaque face de vinyl), « Baby Night » et « Silly Sally », tous deux aux allures de jam sessions d’influences diverses, notamment jazz. « Baby Night » comprend même la reprise d’un couplet de la chanson des Doors « The Soft Parade ». Mais c’est surtout le long solo de batterie de « Silly Sally » qui attire l’attention par ses effets spéciaux et stéréo. Le recours au « flanging », qui consiste à additionner à un signal d’origine le même signal légèrement retardé, ce retard étant lui-même modulé à basse fréquence, contribue au dynamisme et à l’originalité de ce passage. De quoi donner le tournis si vous êtes bien placé par rapport à vos enceintes !