La Création de Haydn par le Palais Royal : un grand moment de bonheur musical

par Michel Friedling

Les musiciens du Palais royal et leur chef Jean-Philippe Sarcos ont donné un concert remarquable le 7 juin 2016 à la Maison de l’Amérique latine.

Il faut les remercier pour leur curiosité musicologique et leur passion : ils ont en effet joué La Création de Haydn en version française, jamais entendue depuis 1800, et dont ils ont exhumé la partition à la Bibliothèque Nationale. C’est le 24 décembre 1800 à que fut jouée la première et dernière version française de cet oratorio de Haydn célèbre dans ses versions anglaises et allemandes. C’est d’ailleurs en se rendant à la première représentation à l’Opéra de Paris que le Premier Consul Bonaparte échappa de peu à l’attentat de la rue Saint-Nicaise.

Deux cent seize ans plus tard, le Palais Royal a donc ressuscité cette œuvre à l’occasion de deux représentations, la première ayant eu lieu dans la salle du Premier Conservatoire de Paris en avril 2016 et ayant donné lieu à une retransmission sur les ondes de Radio Classique.

Le Palais royal, toujours en quête de nouvelles idées, aime ainsi donner ses concerts dans des lieux illustres et divers à Paris : la Salle du premier Conservatoire (où il est en résidence depuis quelques saisons), le Salon d’honneur du Cercle de l’Union Interalliée, l’Hôtel de Poulpry, ou encore le Grand Salon de la Maison de l’Amérique latine, au bénéfice de quelques privilégiés ou au contraire pour des jeunes issus de banlieus afin de leur faire découvrir la grande musique.

C’est donc dans ce Grand Salon que j’ai eu le plaisir et la joie d’assister à ce concert mémorable. Assister à un concert de cette nature dans des conditions aussi privilégiées (60 musiciens sur scène dans des dimensions aussi intimistes que celles d’un salon d’hôtel particulier) est en effet une expérience unique.

Comme à son habitude, le chef d’orchestre Jean-Philippe Sarcos présente le concert, l’auteur et l’œuvre avec beaucoup d’enthousiasme, de pertinence, de pédagogie, d’humour et de bienveillance. Le public se sent immédiatement pris par la ferveur et l’émotion du Maestro et proche de l’œuvre, du texte mais aussi des musiciens.

Les chanteurs chantent sans livret, par cœur, et dans une joie hautement communicative, conformément à la ferveur débordante avec laquelle le chef dirige ses musiciens.

De fait, cette représentation a fait vivre de grands moments d’émotion aux spectateurs (c’est véritablement un spectacle visuel) et auditeurs présents. L’introduction qui figure la sortie du Chaos originel donne le ton : une oeuvre magnifique, tout en délicatesse et d’une puissance remarquable en même temps. Chaque jour de la Création est peint par Haydn dans une immense fresque magnifiquement retranscrite devant nos yeux par l’ensemble du Palais Royal avec ses musiciens, ses choristes et ses solistes remarquables sous la direction de son chef Jean-Philippe Sarcos dont la joie et la ferveur sont véritablement contagieuses.

Quel magnifique quatrième jour ! Quel sublime duo entre Adam et Eve au paradis terrestre ! Quel somptueux final !! Un grand moment de bonheur musical….

Malia en concert au SUNSET SUNSIDE le 25 mai 2018 : un grand moment de grâce

par Michel Friedling

Une voix sensuelle et chaude, une extraordinaire sensibilité : Malia est bien la digne héritière de Nina Simone. Cette superbe artiste était de passage à Paris à l’occasion de la sortie de son album RIPPLES pour deux concerts les 25 et 26 mai 2018 au Sunset-Sunside auxquels Concert Home a assisté.

Un grand moment de joie, de grâce, de poésie, de musique…et l’occasion de (re)découvrir cette artiste magnifique et trop méconnue.

Accompagnée du pianiste Alexandre Saada et d’un trio à cordes, Malia a radicalement dépouillé son travail original, passant du style pop-jazz à un son dépouillé, bluesy et soul qui, plus que jamais, repose sur la force et la sensualité de sa voix.

Une superbe session durant laquelle elle a montré son talent, son humour en reprenant tous les titres de son dernier album mais également des titres classiques figurant sur son album Black Orchid tels que « Don’t explain » (grand moment d’émotion), « Baltimore » et « Feeling good » (superbement interprété). Ou encore pour terminer le set « Imagine » de John Lennon qu’elle transcende avec un Alexandre Saada particulièrement inspiré au piano.

Howard Johnson et ECHOES OF au New Morning

par Michel Friedling

Le 14 mars dernier, le New Morning accueillait l’une des figures les plus emblématiques de la scène Boogie Funk internationale des années 80, l’extraordinaire Howard Johnson accompagné du groupe parisien ECHOES OF.

Un concert grandiose auquel Concert Home s’est rendu avec un bonheur total.

Après des débuts avec la formation soul disco funk Niteflyte, Howard Johnson signe en solo 3 albums mythiques entre 1982 et 1986 chez A&M Records. Son album Keepin’ Love New, sorti en 1982 est peu connu mais constitue une référence pour les amateurs du son funk du début des années 1980. Il incarne à l’époque le « lover groover » par excellence qui fait malheur autant dans les charts que dans les clubs. Profitant d’une suavité et d’une signature vocale exceptionnelle, « HoJo » se balade aussi bien dans les registres smooth que dancefloor, comme en atteste son tube absolu, « So Fine », savant dosage de Soul et d’Electro Funk qui se classe au premier rang des charts américains à sa sortie en 82, au même titre que « Stand Up » en 85.

Depuis deux ans, le groupe parisien ECHOES OF rend hommage aux villes américaines fondatrices des courants Funk. Un concept inédit et original qui met à l’honneur les répertoires et les spécificités d’artistes emblématiques des « Cities of Funk » telles que Detroit, Minneapolis, Dayton, Washington, Miami, Philadephia, San Francisco et Chicago…

ECHOES OF choisit scrupuleusement les chansons à reprendre au delà des tubes les plus faciles. Leur approche ambitieuse de titres rarement entendus en live vise à faire découvrir la modernité saisissante et le groove surpuissant de ces répertoires (1975-1985) parfois méconnus, pourtant à l’origine des productions actuelles (Electro Funk, Nu Disco, House). Déjà repéré pour faire la 1ère partie de George Clinton au Trianon (2016) ainsi que celle d’Al Mckay « Earth Wind and Fire Expérience » aux Folies Bergères (2015), ECHOES OF compte bien multiplier les collaborations internationales et développer ses productions originales en studio très prochainement.

L’alchimie entre Howard Johnson et ECHOES OF a fonctionné à merveille. Howard Johnson est décidément un grand artiste dont la présence et l’énergie sur scène sont incroyables.

“LE combo FUNK parisien du moment! Un vrai moment de pur bonheur…”

PHARAO SANDERS au NEW MORNING
le 12 juillet 2016

par Corinne Minot

Dans le cadre du Festival All Stars, Pharoah Sanders, légende vivante du saxophone appelée par John Coltrane à rejoindre son groupe, s’est à nouveau exceptionnellement produit mardi 12 juillet 2016 au New Morning dont il est un fidèle et qu’il retrouve après son dernier concert de mai 2013. Dans la salle on aura relevé la présence de l’ami Lonnie Smith, complicité des barbichettes de ces deux sages qui ont tout vu, Smith également programmé dans le cadre du Festival All Stars.

Pharoah Sanders un géant, un prophète, un démiurge qui rappelle au son chaleureux de sa voix The Power of God et à la puissance édifiante de son saxophone que God has a Master Plan! Présence mystique, les mains au ciel, son souffle divin fait ressurgir des sons cristallins, les fidèles sont en véritable communion, incités à l’adoration de celui qui rappelle que la musique ainsi incarnée est une rédemption !

Pharoah Sanders invoque Dieu et clôt son concert de deux heures et demi par un « God bless » mais c’est lui le dieu sur scène.

“C’est du géant, du puissant, du saxo rayonnant. Généreux, savoureux, délicieux, Pharaoh Sanders prodigue un acte d’amour fol et pur, le plaisir est immense et sûr.”

En concert à l’Accor Arena le 30 mai 2016

par Michel Avenas

20 heures : tiens c’est curieux la salle est loin d’être remplie, c’est pourtant bien l’horaire inscrit sur le billet. Il est vrai que les contrôles de sécurité à l’entrée sont à juste titre très minutieux. Pour mettre en condition le public multi générationnel qui arrive, un DJ mixe des morceaux du Maître. La scène est flanquée de deux grands écrans en hauteur sur lesquels défile un pêle-mêle photo de diverses époques, avec un effet tournant faisant penser à de gigantesques colonnes Morris.

Un peu après 21 heures : la salle est maintenant archicomble. Retentissent alors la montée chromatique puis l’accord plaqué qui clôturent « A Day in the Life », dernier titre de l’album « Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band », immédiatement enchaînés par les derniers accords de « The End » de l’album « Abbey Road » : jolie façon de signifier que c’en est maintenant fini des musiques enregistrées et mixées, place au live ! Les lumières s’éteignent, une photo de la mythique basse «violon» Höfner apparait sur les écrans, et bientôt c’est la vraie qui est brandie par Paul entrant sur scène avec ses musiciens. « Salut les copains ! » lance-t-il. Longs applaudissements d’un public debout et inconditionnel, c’est le délire.

L’accord si caractéristique introduisant la chanson « A Hard Day’s Night » est frappé, suspend son vol quelques secondes au-dessus de nos têtes, et c’est parti pour 2h45 d’un chapelet d’une quarantaine de tubes tous plus connus les uns que les autres.

Paul va parsemer son concert d’hommages aux êtres chers disparus : Linda avec « Maybe I’m Amazed », George Martin, récemment décédé, qu’il nomme le cinquième Beatle, avec « Love Me Do », George avec « Something » qu’il démarre seul au ukulélé, John avec « Here Today ».

Sur les 40 morceaux interprétés ce soir-là, 25 ont été créés par les Beatles, 14 par Paul seul et un par John Lennon (« Give Peace A Chance », que le public entonne spontanément après l’hommage rendu à John, et que les musiciens reprennent).

Paul est entouré de quatre musiciens, les deux guitaristes Rusty Anderson et Brian Ray (qui relaie également Paul à la basse lorsque ce dernier change d’instrument), le claviériste et multi instrumentiste Paul « Wix » Wickens et le batteur Abe Laboriel Jr. Une formation sobre et efficace donc, pas de choristes ni de cuivres. Ce sont les mêmes musiciens qui accompagnent Paul dans toutes ses tournées depuis 2003, on ne change pas une équipe qui gagne. Paul joue alternativement de la basse bien sûr, de la guitare électrique ou sèche, de l’ukulélé, du piano à queue et de son piano droit aux couleurs chatoyantes.

Les 25 chansons des Beatles permettent de retracer l’ensemble de la carrière du groupe, de la première chanson historiquement enregistrée (« In Spite of All The Danger » en 1958) jusqu’aux dernières. Beaucoup d’albums sont ainsi représentés par cette sélection : « Please Please Me », « A Hard Day’s Night », « Revolver », « Rubber Soul », « Magical Mystery Tour », « Sgt Pepper », « The White Album », « Abbey Road », « Let It Be ».

Des 14 chansons de Paul seul, 7 datent des années 70 donc de sa période « Wings », extraites notamment de l’album « Band on the Run », et seulement 5 sont postérieures à 2012, dont 3 de l’excellent album « New » de 2013 : « Save Us », « Queenie Eye » et « New ». Il interprète également sa toute dernière chanson, « FourFiveSeconds », écrite en 2015 avec Kanye West pour Rihanna, dont les paroles du refrain s’affichent derrière lui en karaoké.

Toutes les chansons sont bien entendu accompagnées de vidéos appropriées sur grand écran : un hommage aux femmes du monde entier pendant « Lady Madonna », des décors de fête foraine pendant « Being for the Benefit of Mr Kite », des éléments de lutherie pendant « Eleanor Rigby », où les cordes sont si importantes, des vues de Paris pendant « Michelle », de Moscou pendant « Back in the USSR », le clip de Johnny Depp et Natalie Portman interprétant les paroles de « My Valentine » en langage des signes, etc.

De moments de grâce, comme Paul interprétant seul à la guitare sèche « Blackbird » ou entamant « Yesterday » en rappel, le concert n’en aura pas manqué. Quelques moments kitch également, quand pendant le rappel certains privilégiés parmi le public sont invités à rejoindre Paul sur scène : d’abord un couple brandissant deux panneaux « marry us », demandant à Paul de « bénir » leur engagement, puis une jeune femme déguisée exactement comme la statuette chryséléphantine photographiée sur la pochette de l’album « Wings Greatest » paru en 1978, qui a demandé à être « autographiée » directement sur la peau du bras (… quand va-t-elle se laver ?)

Et le concert se termine par la suite enchaînée « Golden Slumbers » / « Carry That Weight » / « The End » qui clôt « Abbey Road », agrémentée d’un duel musical des trois guitaristes (incluant Paul).

Un concert de Paul Mc Cartney est-il un concert comme les autres ? Bien sûr que non. Qu’il le veuille ou non cet artiste ne vient jamais muni de son seul talent, pourtant déjà énorme. Un concert de Mc Cartney c’est une re-visite d’un demi-siècle de carrière, c’est un voyage dans une époque qu’avec ses acolytes il aura profondément marquée. Ses concerts sont chargés de l’histoire des Beatles, des Wings, et peuplés de bienveillants fantômes, John et les deux George, Harrison et Martin.

Un concert de Mc Cartney c’est aussi pour chacun dans le public un voyage dans sa propre vie : chacun a à un moment ou un autre une larme nostalgique à écraser sur le temps qui passe. Les plus anciens se souviendront à jamais de l’achat de leurs premiers 45 tours, du choc de la première écoute des albums  « Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band », « The White Album » ou « Abbey Road » au moment de leur sortie, les plus jeunes se remémoreront des souvenirs d’initiation par leurs parents… voire leurs grands-parents !

Un nouveau concert de Paul Mc Cartney est-il comme les autres concerts de Paul Mc Cartney ? Bon, peut-être un peu. C’est vrai que je viens de relire un article du Monde du 27 mars 2003 commentant le concert que Paul avait donné quelques jours auparavant. Ce concert, auquel j’avais également assisté, marquait le retour sur scène de l’artiste après plus de 10 ans d’absence sauf concerts caritatifs. Eh bien force est de constater que cet article pourrait presque tout autant décrire le concert du 30 mai 2016.

Si les noms des tournées changent (« Back in the World Tour » en 2003, « Summer Tour » en 2004, « Secret Tour » en 2007, « Good Evening Europe » en 2009, « On the Run » en 2011, « Out There » en 2015, « One on One » en 2016, pour s’en tenir aux tournées passées par la France), les concerts ont tous à peu près le même format : les mêmes musiciens autour de Paul, les setlists d’une quarantaine de morceaux sont très proches avec la même forte proportion de tubes intemporels des Beatles ou des Wings, les mêmes évocations de sa première épouse Linda, de John et George, le même feu d’artifice pour accompagner « Live and let Die », la même invitation du public à chanter « Hey Jude », les mêmes drapeaux français et anglais brandis en rappel. Lors du concert de 2003, donné seulement quelques jours après l’intervention américaine en Irak, il y avait eu un peu de flottement sur scène lorsque le public avait spontanément entonné « Give Peace A Chance », Paul avait semblé un peu surpris. Mais comme évoqué plus haut ce qui fut un happening non prévu à l’époque est maintenant parfaitement « absorbé » dans le rituel du show. Il faut dire que les raisons d’entonner cet hymne à la paix n’ont depuis lors pas cessé d’être d’actualité, malheureusement.

Mais so what ? Ne boudons pas notre plaisir. Si ces concerts rencontrent toujours autant de succès, c’est que l’enthousiasme reste intact et que ces moments de communion et de célébration sont par les temps qui courent toujours aussi nécessaires et par certains côtés thérapeutiques. C’est ce qui bâtit le culte.

Si à bientôt 74 ans Paul peut être considéré comme un papi du rock, il regorge encore d’énergie et même si parfois, l’âge venant, ses cordes vocales sont manifestement sollicitées plus qu’elles ne devraient, l’heure de l’extinction (de voix) de ce type de dinosaure n’a pas encore sonné. Car le dira-t-on jamais assez, « Rock’n Roll is here to stay  ».

Michel Avenas